Réflexions


 

 

Intolérances

Pourrions-nous aujourd’hui imaginer l’état du monde si le monothéisme n’avait jamais existé? 

Combien de guerres, de haine, de mépris de l’autre, d’asservissements, de meurtres, de viols, de génocides en moins ? Impossible d’en faire le compte, aucune mer à la surface du globe ne serait assez vaste pour contenir les horreurs perpétrées au nom des religions monothéistes durant ces deux derniers millénaires. Tant de peuples, de cultures, de traditions seraient encore là sans ces dieux et leurs servants sanguinaires.

Mais où sont l’amour, la tolérance, la fraternité ? L’histoire démontre que ces qualités semblent incompatibles avec le verbe, l’action et le cœur des églises de ces religions. La vérité n’exclue pas le respect de l’autre, sauf dans le monothéisme où les détenteurs de la vérité de dieu sont armés d’un bras exterminateur. Et pourtant, le message originel des prophètes étaient tellement différent.... mais les humains l'ont trahit en inventant un dieu à leur image, un alibi à leur intolérance et à leur cruauté.

Ce constat n’est pas un jugement, juste un fait historique. S’il n’est pas question de jeter l’anathème sur les pratiquants sincères et loyaux de ces religions, il n’est pas non plus souhaitable de fermer les yeux sur toute la souffrance qu’elles ont produit. Notre monde change, l’humanité mûrit, conscience et discrimination pointent leur nez. Le simple exposé de ce que le monothéisme a produit  peut être pour chacun d’entre nous le germe d’une évolution nous incitant à construire un monde avec plus d’amour et d’amitié. N'est-ce pas Georges Bush?

Dance yoga nataraj. @natha-yoga.com

Approche de la mythologie. L'erreur métaphysique?
Le ciel est peuplé de dieux. Dieux de toutes les religions, de toutes les fois, de toutes les croyances. Heureusement pour la surpopulation céleste qu'il existe également plusieurs cieux... Peut être aussi plusieurs "enfers"... la terre n'est pas prête à se refroidir!

La guerre sainte
Le monothéisme proclame la réalité, l'existence d'un seul dieu, d'un seul ciel et d'un seul enfer. Le "salut" n'existe que dans ce cadre. Ceci est l'apanage des religions sémites qui ne sont d'ailleurs pas d'accord entre elles, chacune croyant uniquement en son dieu, en son ciel et en son enfer. En fait c'est une question de foi, mais aussi de naissance et de culture. En dernier lieu cela pourra être une question de rapport de force car la "Guerre Sainte contre l'infidèle" est juste, justifiable enfin justifiée. Ce n'est pas l'histoire qui nous contredira!

En général les religions  monothéistes se protègent  par des lois et des dogmes laissant ainsi peu de place pour la tolérance ou le respect des autres modes de pensées. Ce n'est pas l'actualité qui nous contredira!

Elles arrivent à confondre - souvent volontairement dans un but de domination matérielle - les plans religieux et moraux, psychiques et spirituels, enfin les obligations conventionnelles et le progrès intérieur. Elles amalgament foi et propagande, le mobile de la foi servant la propagande qui a toujours de vues expansionnistes. Elles assimilent émotion psychologique et progrès spirituel.

L'homme qui se trouvent à un degré d'évolution différent de celui pour lequel un système monothéiste a été élaboré n'a guère d'alternative, à part l'abandon de son évolution ou l'abandon de sa religion.  Mgr Gaillot ne nous contredira pas!

Dieu est-il un ou plusieurs?
Le monothéisme est la projection de l'individualité humaine sur un plan cosmique, la formation d'un dieu à son image. Sur le plan métaphysique,  réduire dieu à l'unité est illusoire. Vouloir le définir par rapport à notre capacité de compréhension est source d'une erreur inévitable. La cause première doit, en toute logique, être au-delà du nombre, autrement le  nombre serait lui-même la cause première. Le nombre "un", même s'il a des propriétés particulières, reste un nombre à l'instar de n'importe quel autre. Si "dieu" est "un" il n'est plus au-delà du nombre que s'il est deux, trois ou "x".

"La nature de l'illusion, Maya, est représenté par le nombre un", dit un texte philosophique de l’Inde datant de plusieurs milliers d’années.

Quand nous parlons de la forme manifesté d'un dieu unique, cela implique  une confusion entre les ordres de choses différents.

Dieu manifesté ne saurait être un et le nombre un ne saurait s'appliquer à un aspect causal non manifesté, il y a opposition.

Si dieu est "un", il ne peut être l'aspect causal car cet aspect causal est par obligation au-delà du nombre. Si dieu n'est pas "un" il est soit inexistant soit polymorphe. Bien que dans sa forme manifesté le divin soit nécessairement multiple il n'est, dans son essence, ni "un" ni "plusieurs". Il ne peut être défini. Il est "neti, neti", «ni ceci, ni cela» car toute définition que l'on pourrait en donner ne se rapporterait qu'au plan humain et le réduirait à ce que nous sommes.yoga dance nataraj. @natha-yoga.coom

Le polythéisme est-il une vision primitive du monde?
Aujourd'hui le monothéisme est représenté comme une conception plus élevée que le polythéisme qui est synonyme de sociétés primitives. Pourtant une énergie causale, omniprésente, qui serait la source de toutes les formes et de tous les aspects du monde ne saurait être réduite à une forme ou à une représentation particulière. Par nature même, elle serait à la base de tout ce qui est concevable et inconcevable. "Nous pouvons seulement atteindre le divin à travers ses manifestations et il existe donc pour nous autant de dieux qu'il existe d'aspect du créé. Les dieux et l'univers sont deux aspects - les énergies conscientes et les formes inconscientes - d'une multiplicité éternelle et infinie." Alain Daniélou.

Partant de la base solide et vaste que forme la multiplicité des aspects de la manifestation, le polythéisme s'élève peu à peu vers le  non dualisme, l’identification finale à shiva/shakti (conscience/énergie). A chaque degré de sa montée, il découvre un état de moindre ou de plus grande multiplicité qui convient à son propre état de développement et il évolue en partant des formes extérieures du rituel et de la morale vers les aspects les plus abstraits et les plus subtils de la connaissance. Ces aspects sont symbolisés par divers groupes de symboles statiques ou (et) actifs: les dieux, représentés sous des formes anthropomorphiques, géométriques (yantra) ou sonores (mantra).

Il est très facile à celui qui est dans un système polythéiste d'établir une hiérarchie dans ses attitudes envers le divin, la nature et le monde au cours et en rapport avec les différentes étapes de son développement spirituel. Ceci est difficile pour qui est dans un système monothéiste car il lui est presque impossible de ne pas confondre les plans et les méthodes, d'autant plus que la vérité relative, la seule qui nous soit perceptible, est différente à chaque degré et qu'elle est même, le plus souvent, contradictoire. Pourtant la pleine compréhension de la nature d'un degré particulier, d'une étape, est essentielle si l'on veut pouvoir le dépasser.

"Parce qu'il ne peut pas voir clairement côte à côte, illustré par différents symboles, différents dieux, différents cultes, différentes attitudes religieuses, les divers  stages de son propre développement passé et futur, toutes les tentatives du monothéisme pour dépasser les limites des dogmes et des lois du système dans lequel il se trouve immergé, tendent à lui faire perdre équilibre". Alain Daniélou.

cakra yoga. @natha-yoga.com

L'analogie
D'après la conception tantrique du monde tous les aspects du manifesté proviennent de principes communs, sont régis par des lois communes. On peut dire qu'il y a connexion et équivalence entre tous les plans de l'univers, dont l'homme fait partie. Les symboles représentent ces équivalences, ces relations.

Ce que nous représentons comme des aspects du divin sont essentiellement des représentations archétypales plus ou moins abstraites des formes du monde que nous connaissons, le monde manifesté. Ces archétypes, ou aspects du divin, nous apparaissent comme ayant des affinités avec les formes de la nature, des formes en général, des nombres, des couleurs, des plantes, des animaux, des parties du corps, des énergies  vitales, des constellations, des sons, des rythmes, des saisons,  tout ce qui fait, en réalité, notre monde connu.

Le panthéon tantrique, et sa théorie iconographique, sont basés sur la supposition que de telles affinités existent réellement. C'est pour cela qu'un aspect du divin, ou mieux de la réalité non perçue, peut être représenté et vénéré sous des formes diverses mais pourtant équivalentes, telles qu'une image mentale, un yantra, une mûrti (sculpture anthropomorphique), un mantra, un guru, car il ne s'agit là que de supports à des techniques variées. Toutes les mythologies sont des manières de concevoir des états ou des mondes supérieurs ou transcendants, représentés comme des dieux et perçus à travers des symboles.Yoga shakti. @natha-yoga.com

"La réalité transcendante est au delà des conditions qui limitent nos moyens de connaître. Pourtant, même si nous ne pouvons pas comprendre sa nature, nous pouvons indirectement conclure qu'il doit exister des formes d'être, au-delà des sphères de nos perceptions. Chaque fois  qu'il pousse à sa limite extrême une forme quelconque d'expérience, l'homme aperçoit un au-delà inconnaissable qu'il appelle dieu. Ce dieu ne peut être ni saisi, ni compris car il commence là ou nos facultés nous font défaut. Chacune des voies que nous empruntons s'arrête devant cet inconnaissable. Nos efforts les plus efficaces pour réaliser le divin ne sont que des "approches". Toutes fois leur ensemble et leur cohérence nous permettent de conclure à l'inévitabilité d'un substrat que nous ne pouvons percevoir directement bien qu'il soit toujours proche, toujours présent, mais dont nous apercevons un aspect à la limite de chaque forme d'expérience." Alain Daniélou.

L'univers des dieux
Les dieux sont, pour les yogi, de deux sortes. Il y a ceux du monde invisible qui représentent des aspects des forces de l’univers et de l’intelligence cosmique. Puis il y a ceux qui sont en nous, qui représentent nos propres énergies et fonctionnements. Ils sont un essai de définition de la réalité transcendante des énergies et des consciences qui nous habitent, inaccessibles aux facultés de perception et de compréhension de l'être humain. Ils sont la représentation des lois, des principes vibratoires des fonctionnements de notre univers intime. Il y a une parfaite analogie entre ces deux niveaux, le cosmique et l’individuel.

yoga: shiva/shakti. @ Natha-yoga.com

Il y a dans la manifestation plusieurs plans d'être et de conscience. Il y a ceux que l'on perçoit tels le monde minéral, le monde végétal, le monde animal. Mais également il y a ceux que l'on ne perçoit pas parce que appartenant soit à l'infiniment petit, soit à l'infiniment grand. Enfin il y a ceux que l'on ne perçoit pas parce qu'appartenant à des plans de conscience et de subtilité hors de l'atteinte de nos perceptions et de notre champ de conscience. Il en est ainsi du monde des esprits et du monde des dieux, soient-ils ceux du macrocosme ou du microcosme. Pourtant ces deux mondes sont autant réels que le notre, font parties de l'univers créé d'une façon aussi concrète que la notre, subissent les mêmes lois, les mêmes rythmes et les mêmes cycles.

C'est tout cela le propos des mythologies. L’inverse des dogmes et des credos, un espace qui s’ouvre sur toutes les réalités individuelles possibles, une recherche du sens de notre vie et de l’essence de ce que nous sommes qui passe par l’amour, la tolérance, le merveilleux et le sacré. Puisqu’un seul dieu conduit à la discorde, espérons que plusieurs puissent nous inciter à ouvrir et à tendre les mains et le cœur vers les autres.

 

 

Christian Tikhomiroff

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