Avant d'être prisonnier d'une société, d'un clan, d'une famille, d'un autre, du hasard, de la malchance, du karma, nous sommes prisonnier de nous-mêmes. Si nous avions suffisamment d'énergie dans le ventre, d'espace dans le coeur et de lumière dans les yeux, qui pourrait décider pour nous? Avec l'aide des forces de la nature et des énergies nous pourrions créer notre vie selon notre volonté pure. Mais nous préférons souvent rester coucher et protégé dans le sillon du temps et des habitudes.
Vivant ainsi nous sommes déjà morts, avons-nous encore quelque chose à perdre? Alors pourquoi ne pas se relever, se mettre debout et vivre la tête dans le ciel, le coeur ouvert à tous les vents et, téméraire, tenir la racine du corps plus haute que le sillon de la terre afin de pouvoir, un jour ou l'autre à l'aube d'une nouvelle étape, marcher dans le étoiles.
Je crois qu'il aimait bien les gens, il
les regardait toujours avec un sourire très chaud et un regard très
lumineux. Je crois aussi que les gens aimaient bien le voir parce qu'ils
pouvaient saisir en lui, le temps de le croiser, une parenthèse d'amour
donnée sans retenue au gré du temps qui va. Un jour que nous marchions
sur le trottoir de la plus grande artère de la ville il me dit:
"Donnes-moi la main, ferme tes yeux et traversons!". C'était impossible,
nous n'avions aucune chance, soit de nous en sortir, soit de ne pas
provoquer un carambolage monstre. Sentant mon hésitation il me saisit
avec force la main manquant de ma la broyer et il stoppa net. Tout avait
disparu à part cet échange électrique.
"Où est le monde!?" cria-t-il. Je ne pu répondre car dans cet instant il
avait effectivement disparu.
"Ma force crée la faille! Nous allons traverser! Fermes tes yeux,
remonte tes énergies et soit silencieux!" Que faire d'autre? Et tant pis
si je mourais!
Nos pas quittèrent le trottoir et nous
nous engageâmes sur la chaussée. Je ne compris rien, quelques instants
après nous avions traversé. J'avais simplement sentis le souffle des
voitures qui nous frôlaient.
Arrivés sur le trottoir il lâcha ma main. "Ouvres tes yeux et
continuons" dit-il gentiment. Comme si de rien n'était nous reprîmes
notre promenade, il continuait à sourire aux alentours.
Passant devant la terrasse d'un café,
il me pria de m'y asseoir avec lui. Il commanda deux cafés dont un très
serré pour lui et il dit: "Si vraiment tu veux être vivant, tu dois
choisir et tu dois risquer. Tu ne peux vivre sans risque car la vie est
elle-même risque. A chaque instant tu es en danger même si tu es assez
abrutit pour l'oublier".
Il se tut, s'immobilisa le bras droit
légèrement levé, sa main faisant le geste de Kâlî, ses yeux étaient
ouverts. Il était devenu une statut de cire, même ses paupières et son
souffle étaient dans une immobilité absolue. Seules ses narines
semblaient quelque peu palpiter.
Nous restâmes ainsi, lui dans cette
position invraisemblable et moi à bader , durant une heure. D'un seul
coup il se leva: "Viens, partons." dit-il et d'un pas tranquille nous
allâmes chez lui.
Quelques fois il se laissait aller à
parler après l'une d'elles. Ce fut le cas ce jour là: "Sillons dans la
terre de notre corps. Sillons dans le flot de nos énergies. Sillons dans
la trame de nos pensées. La vie n'est que sillons qui nous mènent
vers la mort. Suis tes sillons et tu seras tel que tu penses être. Sois
tes sillons et tu sauras ce que tu es."
"Je ne comprends pas, repondis-je. Si je pense être libre, ne le
deviendrai-je pas?"
"Non ce n'est pas suffisant. Il faut agir et des actions qui nous
progètent hors du sillons: voilà la liberté, voilà le risque. Pensées et
actions impliquent la volonté: c'est la vie vivante. Un mort peut encore
penser mais ne peut plus agir. »
"Mais ..." Il me coupa la parole et me congédia en criant: "Va-t-en,
plutôt que de toujours babiller, va prendre des risques! Si demain tu es
encore en vie, reviens me voir. Je n'ai rien à enseigner aux
morts-vivants!" Je lui lançais un dernier regard et compris qu'il n'y
avait plus rien à dire mais plutôt à trouver un acte qui me
permettrait de mettre la tête hors du sillons pour ne pas le perdre de
vue, surtout pas!
Christian Tikhomiroff