Quelques techniques du yoga
pour le contrôle de la pensée
Qui n'a rêvé un
jour de contrôler suffisamment ses pensées pour réaliser ses désirs,
maîtriser ses émotions ou, plus simplement, ne plus être dispersé ?
La littérature
foisonne de récits qui font l'éloge de la pensée et de sa
connaissance. Aujourd'hui le mental, son fonctionnement et son
contrôle sont à la mode.
Déjà Freud avait
ouvert la voie, il y a près d'un siècle, avec ses investigations sur
les pensées et le subconscient. Sans être devenues une science au
sens exacte et noble du terme, la psychanalyse et la psychologie ont
acquis droit de cité. Il est peu de domaines où on ne les retrouve.
Parallèlement
les approches plus anciennes ont également su se faire connaître
grâce aux différentes techniques de concentration et de méditation
proposées par le Yoga, le Zen et le Bouddhisme, entre autres.
Aujourd'hui le contrôle du mental est accessible. Qui veut le
pratiquer trouve le lieu adéquat.
Chacun perçoit la
difficulté pour développer ce contrôle. Qui n'a déjà essayé de
changer certains automatismes du mental sans y parvenir? Vous, moi,
tout le monde, cela parce que cette maîtrise n'est pas si facile.
Pourtant on persiste, ou tout au moins, même si l'on ne fait rien,
espère-t-on pouvoir y arriver un jour. C’est un désir récurrent dans
l'être humain. Chaque tradition, chaque civilisation en a parlé, a
donné ses propres méthodes pour réussir la maîtrise de la pensée.
Le Yoga fait du
contrôle mental l'une de ses priorités. Une célèbre phrase des
Yoga-sûtra de Patanjalî affirme: "Le Yoga est la cessation des
activités mentales", entendez par là l’agitation mentale. Le
contrôle de la pensée est assimilé à l'immobilité. Immobilité du
corps, de la respiration et des pensées. De très nombreuses
techniques convergent vers cette maîtrise. Le Yoga ne se
contente pas uniquement d'enseigner la pratique, il donne aussi une
explication des processus mentaux, de la psychologie, mise en
relation avec le corps, l’énergie et la conscience. Des explications
qui illustrent son abord spirituel de l’humain et du monde.
Méthode pour un entraînement.
Une maîtrise
parfaite et absolue (rien que ça …) de la pensée ne peut s'acquérir
que par une pratique intensive. Bien que ce soit possible, cela
demande des efforts importants et un investissement en temps bien
trop grand pour être envisageable dans le cadre de notre vie
quotidienne, nous resterons modeste, c’est réservé aux ascètes. Ce
qui nous intéresse ici c'est de savoir si quelques moyens simples et
efficaces existent, permettant un contrôle mental correct.
Mais posons
d'abord la question de savoir comment se manifeste l'agitation.
Le corps
Quand l'esprit est agité le corps l'est aussi. Arrêter l'agitation
du corps sera un premier point. Il est possible d'utiliser des
techniques de yoga-nidra, allongé sur le dos de prendre conscience
du corps immobile et d’en profiter pour le détendre parties par
parties. Il est aussi possible de trouver l'immobilité dans une
posture assise ou dans une posture debout. Peu importe la solution
choisie, ce qu'il faut c'est s’imposer régulièrement une période
d'immobilité corporelle, une dizaine de minutes chaque jour dans
lesquelles on ne fera rien d’autre que de prendre conscience que le
corps ne bouge plus.
Si nous
observons en détails comment l'agitation mentale se manifeste dans
le corps, nous constatons qu'elle apparaît dans les zones suivantes:
- les mains.
- les yeux.
- les pieds ou les jambes.
C’est donc là que va se porter notre vigilance, dans ces trois
zones. Il nous faudra les garder détendues et immobiles. Une
agitation des mains ou des yeux (ils sont le miroir de l'âme dit-on)
révèle une agitation psychique. Si on parvient à les calmer et
les immobiliser le mental s’apaise.
En continuant
notre investigation nous arrivons au langage et à la respiration,
deux points essentiels.
Le langage
En ce qui concerne la parole, nous devons ralentir notre façon de
parler dans un premier temps. Dans un deuxième, il faut essayer de
parler le moins possible, surtout pour ne rien dire, boucher les
trous ou passer le temps. La parole inutile engendre l'agitation.
La respiration
Avec la respiration nous sommes dans le processus le plus délicat et
le plus important du contrôle mental. Ce contrôle ne peut exister
sans une maîtrise minimum de la respiration. Par bonheur celle-ci
n'est pas trop difficile. Il suffit d'un peu de volonté et
d'attention.
La respiration
est ce qui nous ramène à l'instant présent. Dans ce présent nous
pouvons agir sur le mental. Il s'enfuit dès qu'il dérive dans le
passé ou le futur. En restant dans "Ici et maintenant" nous pouvons
le maîtriser.
La respiration
ne doit pas être bloquée mais ample, silencieuse ou légèrement
sonore suivant les moments. Elle doit se situer surtout dans le
ventre. Il faut également apprendre à sentir l'air qui va et vient
dans les narines, chaud à l'expiration, plus frais à l'inspiration.
Les rétentions de
souffle
Ce sont des moments privilégiés de conscience intérieure. Apprendre
à retenir correctement son souffle durant quelques dizaines de
secondes à n'importe quel moment de la journée est un gage de
maîtrise mentale, de dynamisme énergétique et de détente nerveuse:
c'est presque une panacée.
Ces rétentions
de souffle sont apprises dans les exercices de respiration du yoga,
le prânâyâma.
Techniques pour le contrôle
des pensées.
Apprendre la
concentration suppose d'abord une bonne assise. La meilleure façon
de s'asseoir est de se mettre au sol, éventuellement sur un petit
coussin. La colonne vertébrale doit être droite, la tête dans
l'alignement. Les mains sont posées sur les genoux, les pouces et
les index sont joints: ceci s'appelle "le geste de la sagesse". Mais
il est aussi possible de s’installer debout, voir allongé si vous ne
craignez pas de vous endormir …
Pour commencer
le travail de base, il va falloir se préoccuper de trois niveaux:
les yeux, la respiration, la parole mentale.
1) Les yeux.
Il
faut apprendre à les maintenir immobiles d'une part et à les faire
converger d'autre part. L'immobilité des yeux se travaille en fixant
un petit point noir sur un fond blanc, ou la flamme d'une bougie. Il
faut fixer l'un ou l'autre, sans fermer les yeux ou ciller des
paupières durant quelques minutes. Aucune autre pensée à part ce qui
est fixé ne doit être présente. La respiration doit être consciente
et lente. Au bout de quelques minutes il faut fermer les yeux et se
concentrer sur l'image rémanente de ce que l'on a fixé, en la
gardant très stable.
La convergence
se travaille en fixant le bout du nez les yeux ouverts durant
quelques minutes et un temps égal les yeux fermés. Il ne faut pas
craindre de rester bloqué, bien au contraire cette pratique est très
bénéfique pour la vue.
Que ce soit
l'une ou l'autre, les techniques que nous venons d'indiquer de façon
simplifiée (Trataka ou Taraka) amènent progressivement une puissante
capacité de concentration. De plus elles sont positives sur le plan
énergétique tout en donnant une détente globale appréciable.
2) La
respiration.
Dans
une posture identique à la précédente, il faut s'entraîner à rythmer
son souffle tout en le visualisant. Le rythme doit être 4 ou 5
secondes d'inspiration, 16 ou 20 secondes de rétention du souffle à
poumons pleins, 8 ou 10 secondes d'expiration.
La visualisation
consiste à voir l'air qui monte dans la colonne vertébrale durant
l'inspiration. Le voir immobile dans le point entre les deux yeux
durant la rétention. Le voir redescendre jusqu'à la base de la
colonne vertébrale durant l'expiration. Pendant cette respiration il
faut compter mentalement les secondes de façon à garder un rythme
précis et à ne pas penser à autre chose.
3) La parole
mentale.
Chacun d'entre nous peut constater combien il est, mentalement tout
au moins, bavard. Nous ne cessons de parler en nous-mêmes, un
soliloque intérieur même les plus performants des lecteurs mp3 qui
au bout de quelques dizaines d’heures n’ont plus rien « à dire »… .
Souvent, nous ne savons pas, ou nous oublions de suite, ce que nous
disons, notre moulin à paroles tourne tout seul, inlassablement et à
la fin de la journée nous ne sommes pas même capable de nous
souvenir d’une heure ou deux de cet intarissable flot de paroles.
C'est la dispersion mentale.
Apprendre le
contrôle des pensées, c'est apprendre à arrêter ce verbiage
intérieur.
Le Yoga propose
l'utilisation de mantra. Les mantra sont des mots ou des sons en
Sanskrit qui ont ou n'ont pas, suivant le cas, de signification.
Certains sont très simples et reliés à la respiration. Les deux plus
importants sont SO HAM et HAM SA. Le plus connu est le mantra OM.
Répéter l'un de ces trois mantra en respirant normalement, arrête le
flot involontaire de nos pensées. Il y a intervention de notre
volonté, on décide de ne plus penser n'importe quoi au gré des
événements, de nos émotions ou de nos états d'inconscience. Mais on
peut tout aussi bien dire mentalement une phrase que l'on se
choisis, par exemple: "je suis conscient de ce que je pense" et la
répéter le plus souvent possible. Le meilleur contrôle des pensées
est celui qui nous permet de rester sans pensées. A défaut, il faut
mieux penser quelque chose consciemment choisi que d'être le jouet
impuissant de pensées involontaires.
Les résultats
Une pratique de
quelques jours ne peut suffire, face à des années de non contrôle.
Au fil des semaines et des mois, si l'on s'y met avec méthode et
patience, on constate les changements bénéfiques, lents mais
profonds et durables.
C'est un nouveau
départ sur un chemin qui conduit vers la maîtrise de soi et un peu
plus de liberté. Chemin besogneux sans nul doute, car la dispersion
mentale nous tenaille sans arrêt, mais chemin qui nous permet de
sortir de l'ornière de la dépendance face aux autres et aux
événements. Alors qu'elle joie de se sentir un peu plus libre, et
quelle légèreté de se sentir un peu plus indépendant.
Christian Tikhomiroff