Réflexions



Naître, vivre et mourir. Pourquoi ?
 


Naître c’est prendre le premier souffle. Mourir c’est rendre le dernier. Entre les deux il y a l’espace d’une vie. Vivre c’est respirer. Un rythme, immense, dans lequel on est immergé. Respirer c’est sentir la vie en soi, s’éprouver en elle. L’absence de souffle c’est la mort, ou peut-être l’inverse, juste l’inverse. Peut-être.

 Personne ne se souvient de sa naissance et personne ne sait comment et quand il va mourir. Accepter de vivre une histoire dont on ne connaît ni le début ni la fin est une forme de sagesse, ou bien de folie, ou bien d’imbécillité. Il faut être funambule. Dès que les premiers pas sont faits, oublier les extrémités de la corde pour ne rester centré que sur l’instant. A-t-on le choix ? Peut-on être ailleurs que dans le présent ? Tourné vers le passé ou vers le futur, on est toujours coincé entre deux secondes qui se renouvellent et filent éternellement. Est-ce pour ça qu’on essaye de se rassurer, de se construire un scénario ? Pour ça que les histoires des autres nous plaisent ? Elles permettent de connaître un début et une fin, elles nous renvoient à notre propre histoire. Rechercher sa généalogie et acheter son caveau tient du même exorcisme, donner du sens à ce chemin qui n’a ni queue ni tête. Ce n’est finalement pas morbide de choisir sa bière, son lit douillet de mort, c’est prendre soin de soi, un réflexe de vivant en somme.

La vie c’est une route dont on ne discerne ni le départ ni l’arrivée. Le départ on l’a passé sans le voir. L’arrivée on ne sait pas. On ne sait même pas si on va mourir. Et quand on fera partie des défunts, saura-t-on qu’on est mort ? Voir mourir les autres ne veut pas dire qu’on va mourir soi-même, rien n’est sûr, les jeux ne sont pas faits. Tant qu’un événement ne s’est pas produit on ne peut avoir la certitude qu’il va se produire, il y a toujours une part de doute. C’est absurde de parler ainsi de la mort ? Peut-être, sûrement, il n’empêche qu’on ne sait jamais ! N’est-ce pas pour cette raison qu’on  vit dans l’insouciance, parce qu’on n’est pas complètement sûr de mourir, parce qu’une part de nous ne peut le concevoir.

La mort des autres ne nous apprend rien de notre propre mort. Elle peut être source de peine, faire peur, exacerber notre sensiblerie, pas beaucoup plus. Émotions mises à part, et ce n’est pas rien mais en l’occurrence ça n’a pas de rapport avec l’instant de notre mort, voir mourir un humain n’est pas très différent de voir mourir une rose ou un cochon. Il est des expériences qui ne se vivent pas par correspondance, par procuration, des goûts qui n’existent que dans notre bouche.

Voilà la naissance et la mort, mais comment et pourquoi naît-on, pour réaliser quel projet ? Quel sens ont ces décennies qui font une vie ? Notre naissance est-elle le fruit du hasard ou l’aboutissement d’un ordre intelligent ? La vie sert-elle à consommer et à être consommé ou avons-nous à accomplir un autre dessein ?

Seule notre intimité peut répondre à ces questions qui sont essentielles car notre réponse implique un choix personnel de vie, loin des sentiers battus et des idées reçues. Le notre, tout simplement.
 

C. Tikhomiroff