Ardhadhanurâsana
Pour les
natha-yogis ardha-dhanurâsana fait partie des postures
d’immobilité dans laquelle il est possible d’explorer deux
types de polarité, impersonnel /personnel et lune/soleil,
cette dernière déclinant les variations autour des énergies
des souffles de gauche et de droite ida et pingala.
Ardha-dhanurâsana se décompose en trois parties dont la
première et la troisième sont identiques, le détail fait apparaître
sept phases liées, enchaînées les unes aux
autres tant par les souffles que par les visualisations
(voir les
photos 1 à 7).
Première et troisième
partie. Photos 1,2 et 6,7
La première partie correspondant aux photos 1 et 2 se
retrouve également, dans un déroulement inverse, dans
la troisième partie, photos 6 et 7. Ces deux parties sont
parfois appelées Anantâsana. Ananta est le serpent mythique
endormi sur les eaux du
monde
non-manifesté sur lequel repose et se déploie le monde
manifesté, le non-manifesté symbolisant l’univers – et d’une
certaine façon ce qu’il y a avant et après la vie - et le
monde manifesté l’humain. Cette première partie d’ardha-dhanurâsana
est une position parfois utilisée pour méditer, elle est
propice pour entrer dans des états de yoganidrâ (relaxation
profonde) états nommés « entre deux », limites entre sommeil
et rêves, là où l’individu peut comprendre la réalité de son
être, la partie immergée de sa nature profonde. Durant cette
phase il convient de se concentrer sur l’immobilité et
l’équilibre, d’installer un souffle extrêmement subtil et de
le visualiser circulant dans la sushumna qui correspond à la
colonne vertébrale (imaginée allant de l’anus à la
fontanelle). Immobile et ne respirant presque plus, il
devient facile de ressentir une ambiance non personnelle,
libre et légère, car la cessation de la respiration
grossière entraîne le recul voir la disparition des
tendances personnelles qu’elle draine au quotidien comme la
mémoire ou la personnalité.
Quand
ardha-dhanurâsana continue, l’aspect individuel
se déploie, symboliquement issu du non personnel de l’océan
universel. Quand la jambe se tend et s’élève,
l’individu sort de l’océan indifférencié et affirme sa
propre existence, sa propre particularité.
Deuxième partie, photos 3 à
5.
Dans la deuxième partie ardha-dhanurasana
représente l’existence phénoménale individuelle issue du
substrat commun et cosmique, existence individuelle qui
s’exprime par la dualité des souffles et des canaux de
gauche et de droite.
Si l’on
reste dans la première partie d’ardha-dhanurasana on se
relie à un sensation, une ambiance non-personnelle. Ce
n’est vraiment qu’à partir de la troisième position que le
sentiment d’individualité va se déployer avec la volonté et
le vouloir faire, souvent assorti dans la position physique
elle-même d’une lutte importante pour l’équilibre, lutte
pour l’équilibre impliquant l’individu dans tous les plans
de sa vie. Autant dans la première partie l’équilibre est
dépendant de l’immobilité, autant il est ici dépendant de la
puissance personnelle, ce qui permet de l’expérimenter dans
le « faire » et le « laisser-faire ».
L’équilibre
est le prélude obligatoire de l’harmonie, chaque humain doit
passer par cette musique pour trouver la sienne.
Déroulement
Première partie
Photo 1 :
s‘allonger sur le côté droit afin de faire
passer les souffles dans la narine gauche, le corps
parfaitement aligné, l’oreille droite appuyée sur la paume
de la main, les yeux fermés fixant un point médian, la
langue
retournée en kécharimudrâ ou en tuyau (kakimudrâ),
visualiser l’axe du corps (le canal sushumnâ), installer un
souffle très subtil en essayant de limiter les mouvements du
ventre et de la poitrine. Ce souffle doit aller et venir
dans l’axe, monter à l’inspiration avec le mantra « Ham » et
descendre à l’expiration avec le mantra « Sa ». Ressentir au
plus profond de soi l’immobilité et l’équilibre tout en
restant observateur de ce souffle subtil.
Photo 2 :
sans rien déranger de ce qui a été installé
dans le souffle et la concentration, plier la jambe gauche,
prendre le gros orteil en passant le bras par devant le
genou et appuyer la plante du pied sur la cuisse droite.
Deuxième partie
Dans cette deuxième
partie l’individu s’affirme, le corps et le souffle sont
donc « tendus » (image de l’arc) et l’on va pouvoir se
concentrer sur les qualités qui entretiennent la dualité
humaine (soleil/lune, masculin/féminin, etc.), les
oscillations, les doutes, les tergiversations dans la vie.
Photo 3 :
Tendre la jambe gauche vers le haut, changer
le souffle en prenant une respiration volontaire du genre 3
ou 4 secondes pour inspirer, 12 ou 16 secondes de rétention
les poumons pleins, 6 ou 8 secondes pour expirer. La
visualisation du souffle change également, l’inspiration se
fait du chakra de la base (mûlâdhâra) à celui de la gorge (vishuddhi).
Durant la rétention le souffle se concentre dans l’espace
délimité par le geste de la main et du pied gauche (épaule,
bras, main, pied, jambe gauche, et colonne vertébrale de la
base à la gorge) en visualisant les qualités de la pleine
lune ou féminines. A l’expiration le souffle suit le trajet
bras jambe en partant du chakra de la gorge pour aller à
celui de la base de la colonne vertébrale.
Photos
4 :
sans rien changer du souffle et des
visualisation, plier la jambe gauche, porter pied et main en
arrière, joindre les genoux et se pencher légèrement en
avant.
Photos
5 :
idem en prenant la pose du demi-arc, tendu et vibrant.
Troisième partie
Photos 6 et 7 :
idem photos 1 et 2 mais à l’inverse.
Durées
La première partie
dure le temps nécessaire pour goûter l’immobilité et le
souffle apaisé. Dans la deuxième partie il convient de faire
trois souffles ou plus dans chacune des trois phases (photos
3 , 4 et 5) et de prendre conscience des énergies vitales
qui redresse l’humain entre les deux éternités, celle qui
précède et celle qui suit la vie, éternités symbolisées par
la première et troisième partie. La troisième partie permet
de savourer l’équilibre et l’impersonnel.
Bénéfices
Ardha-dhanurâsana est une belle technique de stabilité
mentale et de purification des souffles et des énergies de
droite et de gauches, celles dont il faut s’occuper pour
trouver son centre intérieur, le recul et la stabilité
nécessaires à l’harmonie personnelle. Physiologiquement
cette pose est réputée pour relaxer le corps et les pensées,
stimuler les énergies du ventre et le système immunitaire.
Faite régulièrement elle accentue les effets des
respirations alternées qui, rappelons-le, doivent être
pratiquées tous les jours si on désire santé physique,
stabilité mentale et contrôle émotionnel. Nous en
reparlerons sûrement un jour ou l’autre…
Christian Tikhomiroff
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