Le rituel, pratique tantrique
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Quelles que soient les écoles tantriques, la vie collective n’est pas très prisée. Si l’enseignement se prend auprès du maître, l’entraînement se fait seul sur son tapis ou dans son quotidien. Pas de vie en groupe, pas d’ashram, pas de monastère. Pas plus d’ailleurs de hiérarchie ou d’ordre religieux, il n’y a pas de pape, pas de Dalaï Lama , pas de Rabin, pas d’hayathola, pas de swami. Un swami tantrique serait aussi ridicule qu’un prêtre athée. Et pourtant on voit des swami qui se disent tantrique et qui enseignement le hatha-yoga. C’est cocasse quand on sait qu’un swami fait vœux de chasteté et que le yoga tantrique est avant tout une méthode d’éveil et d’utilisation de l’énergie sexuelle sous forme de souffle et de kundalini. On a du mal à y croire. Mais passons, c’est un détail dans le flou du yoga occidentalisé…
Pourtant le tantrisme utilise malgré tout un espace de groupe : c’est le rituel (notons que certains rituel peuvent se faire seul). Au même titre que les autres membres du yoga, prânâyâma, mudrâ, dhârana, etc. c’est une pratique codifiée qui s’apprend, pour finalement s’improviser, selon des règles de l’art. Une pratique de groupe implique la participation de plusieurs individus qui, dans le cadre du rituel tantrique, doivent être d’un niveau équivalent, suivrent des enseignements communs et connaître précisément le déroulement de ce qu’il y a faire. Chacun a dû se préparer avec intensité pour donner le meilleur de lui-même durant le rituel qui devient alors un espace de feu, de puissance, d’énergie, de fureur, dans lequel vont fusionner, se coaguler, les énergies des participants créant une condensation de forces à laquelle chacun peut se nourrir facilement. Chacun doit oublier sa personnalité, son histoire et ses intérêts pour que la somme des consciences, des silences, des stupéfactions, des énergies crée un nouvel individu, puissant et généreux, dans lequel se fondre et se connaître. Les rituels peuvent durer de quelques heures à plusieurs jours. S’ils sont réussi ils dégagent une puissance capable de faire progresser chacun, capable de débloquer les énergies et de faire accéder à des états de conscience extatiques. Ils laissent au plus intime de formidables empreintes, des résonances si fortes que les énergies mises en route continuent encore à tourner des semaines durant, offrant ainsi une réserve de puissance immédiatement disponible. Si les mêmes personnes se revoient régulièrement pour continuer, refaire ce qui a été fait ou faire d’autres rituels, il se crée une sorte d’égrégor, « d’individu cosmique » auquel chacun peut se relier et puiser – mais donner aussi- ce dont il a besoin.
Le rituel tantrique est un espace ou toutes les pratiques solitaires de la saddhana journalière trouvent une application sublime, une sorte d’apogée impersonnelle et unitaire. C’est le pendant du travail individuel, le régulateur de la volonté personnelle, puisqu’il ne s’agit plus d’être soi mais de devenir « un bout » de quelqu’un d’autre., « bout » qui a plus de facilité à devenir témoin du tout que le tout lui-même.
Le rituel tantrique est donc la recherche d’une « over dose » de puissance, la tentative d’obtenir par un groupe - qui est devenu un seul individu – ce qu’on n’arrive pas à obtenir tout seul : fureur, déblocages d’énergie, etc.
Différentes formes de rituel
Les différentes formes de rituels tantriques correspondent aux différents objectifs que l’on peut avoir. En simplifiant, on peut énoncer les objectifs suivants :
Cette liste n’est pas exhaustive et ne saurait l’être en aucune façon, d’autant plus qu’on peut se hasarder à dire que n’importe quel objectif peut donner matière à rituel. Mais quel que soit l’objectif, les rituels tantriques restent dans un cadre que l’on qualifiera de déontologique, sans oser parler d’éthique, qui n’a pas pour finalité le bénéfice personnel égotique mais la mise en œuvre de moyens aidant le cheminement spirituel du ou des participants. A l’opposé des rituels ordinaires et pseudo initiatiques de certaines voies dites ésotériques ou magiques qui recherche principalement à dominer les autres et à obtenir des avantages sociaux ou financiers, les rituels tantriques se veulent avant tout, et finalement, complètement désintéressés. Ils sont une pratique banale parmi les autres dans cette voie dont le but n’est pas l’affirmation de soi mais l’affirmation du Soi.
De quoi un rituel est-il composé
Les rituels sont placés sous l’égide de l’une ou l’autre des divinités tantriques. Il faut bien sûr se souvenir ici que les noms, les formes, les attributs de celles-ci ne sont « que » des hypostases de forces universelles et des moyens surhumains d’attirer ces forces. La pensée et l’énergie en union ont un réel pouvoir de création et d’action. Ainsi faire un rituel à Kali revient à attirer, à apprivoiser et à digérer les énergies qu’elle représente, soit pour les activer dans notre propre structure énergétique, soit pour se mettre en rapport avec la réalité universelle de ces forces, réalité qui peut réellement prendre la forme de Kali si le rituel développe suffisamment de vigueur dans la pensée et dans l’énergie… et si Kali trouve un intérêt à se manifester ! Ces divinités doivent être associées à leur mantra et à leurs yantra
Pour « copiner » avec des divinités, ou avec des forces célestes comme le soleil ou la lune, ou avec des forces magiques pour obtenir des bénéfices, etc. il faut consacrer et purifier le lieu dans lequel se fait le rituel. On utilise divers « ingrédients » pour attirer, répandre ou ingérer les énergies, tels que (liste pêle-mêle) : trident, kavacha, Shiva-linga, bougies, encens, cendres, poudre de santal, peaux de bêtes, fleurs, bols sonores indiens, bambou, etc.
Les pratiques de yoga utilisées sont celles du hatha-yoga classique comme le prânâyâma, les mudrâ, les mantra, les dharana, les nyasa,. Ces techniques sont toute fois fréquemment déclinées selon la méthode des nâtha-yogis, c’est-à-dire d’une manière plus vibrante, plus furieuse, plus magique, plus sacrée et sont combinées de façon originale. En effet un rituel est comme un banquet, l’art de la cuisine et des mélanges est plus important que les ingrédients eux-mêmes.
Les plus grands rituels sont ceux dans lesquels est inclus le pancha makara, l’utilisation des « 5 M » - les cinq éléments - à savoir : la viande, le poisson, le sexe, la drogue et l’alcool (on est loin des princeptes moraux de la quasi majorité des yoga). L’utilisation complète du pancha makara n’est envisageable que dans le cadre d’une pratique initiatique. Mais dans tout rituel un lien doit être gardé avec lui, lien qui est assuré par l’utilisation d’un des cinq éléments, le plus souvent l’alcool qui est pris sous forme de vin (qui n’est pas, même aujourd’hui, une boisson rare en Inde, il suffit de goûter l’excellent chardonnay blanc de Bombay…). Disons en fin, tout en restant volontairement dans le vague, qu’un rituel tantrique est un espace dans lequel le notion de sacrifice est omniprésente qu’il s’agisse de soi ou d’autre chose. Mais cet aspect n’a pas sa place dans un propos écrit.
En guise de…
De ce que vous voulez car le sujet n’est pas prêt d’être clos, n’en déplaise aux âmes sensibles ou « BP » (bien pensante, la bonne essence…) qui voient le mal et le danger partout, nous dirons que pour les tantriques le rituel – au même titre que les autres pratiques - est un espace d’efficacité et d’Amour dans lequel sont prohibés tous les beaux sentiments humains qui font de la terre et de l’humanité un modèle de fraternité et de compassion. Vous n’aviez pas remarqué ? Ha bon !…
Christian Tikhomiroff
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